Hiver après hiver, je viens ici. Hiver après hiver, les kamis se rient de moi et mes attentes.
J’ai appris à ne plus être déçue, à m’attendre au grand vide après avoir déposé mes offrandes, après avoir prié à genou devant les autels, implorer les divinités de la montagne et les gardiens de la forêt. Pourtant, je reviens chaque année dans l’espoir qu’un jour, mon vœu soit exaucé, que ma sœur puisse marcher de nouveau sans avoir besoin d’une canne. J’ai vu des gens mourir en allant dans les montagnes, des cadavres prisonniers des glaces et de la neige jusqu’au sommet de l’autel, tout en haut, sculpté dans la roche du volcan, près du cratère.
J’ignore ce qui me pousse à venir en été à Shimabara, peut-être que les dieux soient plus cléments en été. Un dieu qui bronze est un dieu de meilleure humeur qu’un dieu qui gèle. J’ai appris à devenir superstitieuse, à respecter les traditions, dans l’espoir qu’un jour, les kamis me rendent la politesse. Un vœu, un seul, pour lequel je viens depuis des années, depuis que j’ai eu l’autorisation de quitter le village en fait. Pourtant, chaque fois, on me le frustre, il manque toujours quelque chose aux kamis que j’implore, pourtant, les dieux m’en soient témoins, j’ai même demandé à Izanami la déesse des morts. Mais tout cela ne veut rien dire à leurs yeux, je ne suis qu’une simple mortelle.
C’est peut-être pour cela, très justement le fait que je ne suis qu’une simple mortelle, que j’ai depuis longtemps renoncé à m’adresse aux esprits locaux, et que je m’enquiers directement des divinités universelles. Parce que les uns restent sourds à mes prières, j’en appellerai aux autres, en rentrant dans le temple avec ma tenue habituelle, mon kanabo qui pèse et énonce clairement ma profession, j’ignore les petites statuettes qui observent l’encens brûler. Je vais m’agenouiller devant la grande statue à l’effigie d’Izanagi, créateur du monde et gardien du ciel. En guise d’offrande, je dépose les biens que j’ai emportés expressément pour lui : une ceinture de grenades et des shurikens.
Après tout, même les dieux ont besoin de défendre leur domaine, non ?