Des nuages flottaient autours du vieil homme. Incrédule, il observait d’étranges animaux bondir entre eux. Tout était calme et paisible mais il ne comprenait décidément pas grand chose à ce qui se tramait. Curieux, il tenta de s’approcher mais les créatures prirent la fuite. Alors qu’il les poursuivait, il chuta. Lorsque sa tête heurta le sol, il se réveilla en sursaut. Un chûnin dans la vingtaine lui faisait face. Ônoki releva la tête hors de son bureau en essuyant le mince filait de bave qui coulait de sa bouche. L’air énervé, il dévisagea le shinobi. Ce dernier se fit aussi possible qu’il le pouvait.


« La capitaine Miura est arrivée, Tsuchikage-sama.


- Alors faites là donc entrer. » répondit-il sèchement


Visiblement ravi de quitter la pièce, le jeune homme s’inclina avant de tourner les talons. Les yeux embrumés, le vieil homme tria quelques papiers sur son bureau. Bien vite, il dénicha ce qu’il cherchait. Ce matin, un incident impliquant la jônin Miura Kana et le chûnin Sentô Kaneda avait eu lieu. De la bagarre qui avait découlé de leur rencontre, l’homme avait atterri à l'hôpital. Son diagnostique vital n’était certes pas engagé, mais il faisait apparemment peine à voir et ne serait plus disponible pour le service actif durant un bon mois.


Ce n’était pas la première fois que la jônin se faisait remarquer et l’ombre de la Terre n’appréciait guère cela. Il allait devoir la rappeller à l’ordre, chose qu’il exécrait, en plus d’avoir bien d’autres choses à faire. Tout en se servant un verre d’eau, il relut une dernière fois le rapport en soupirant. Lorsque la femme toqua à la porte, il la laissa entrer et lui rendre les honneurs sans piper mot. Les traits tirés du vieil homme laissaient présager son agacement et il était clair que la kunoichi s’en était rendu compte.



« À mes ordres ? Ceux-ci sont pourtant particulièrement clairs. Pas de rixes entre membre de l’armée ! Ce n’est pas la première fois que l’on vient me reprocher ta véhémence. »


Grimaçant de plus belle, Ônoki se redressa sur son siège rembourré pour lui permettre de paraitre moins petit qu’il ne l’était vraiment. Son dos le faisait souffrir, rester assis aussi longtemps n’était décidément pas bon pour lui. De ses mains fripées, il jeta vers la femme un dossier.


« Tu vois toutes ces fiches rouges ? Il ne devrait pas y en avoir autant, surtout pour une membre de la police militaire. Je n’ai ni le temps ni l’envie de m’occuper de tes bêtises, alors je te prie de bien vouloir te calmer, sur le champs. Ce sera mon dernier avertissement. Ah les jeunes... soupira-t-il en se renfonçant dans son siège. Qu’est-ce que c’était cette fois ? »
    

Bougon, le vieil homme dévisageait la kunoichi en écoutant sa réponse. L’histoire de sa soeur ne lui était pas inconnue. Sa cadette avait été un élément particulièrement prometteur quelques années plus tôt. Son aptitude à maîtriser le Bakuton lui avait même permis de rejoindre les rangs de la fameuse unité de dynamitage, élite parmi l’élite du village. Miura Yukika était remarquable, jusqu’au jour où sa maladie s’était révélée, lui coupant les ailes en plein envol. Sa carrière s’était écrasée au sol et elle n’était plus aujourd’hui d’une instructrice à l’académie. Ce n’était pas un sous-métier, bien évidemment, Ônoki reconnaissait la valeur de ses enseignants. Malgré tout, il trouvait dommage de voir un tel soldat lui être si brusquement enlevée, surtout à un si jeune âge. Il n’y pouvait rien.


« Les mots sont les mots. Que tu veuilles défendre ta soeur est tout à ton honneur, mais pas de cette manière. Nous sommes à la veille d’une nouvelle campagne et le village aura besoin de tous ses membres. Il ne t’appartient en rien de décider qui décide ou on d’être puni pour ses actes, ni comment cela doit être fait. »


En dépit de ce qu’il disait, il comprenait son comportement. Si quelqu’un s’en était prit à sa famille il aurait peut-être même agit de la même façon. Cependant, qu’il cautionne ou non en tant qu’individu importait peu. Tout ce qui avait de l’intérêt était sa décision en tant que Tsuchikage et il lui était rigoureusement impossible de tolérer un tel comportement. Tiraillé, Ônoki grommela dans sa barbe.


« Bien, l’affaire est classée. Assis toi, tu me donnes mal au dos rien qu’à te regarder. »


Pendant que la jeune femme s’exécutait, l’ombre de la Terre fit légèrement craquer ses vertèbres en grimaçant. Bien que cela lui fasse terriblement mal, il ressentait l’inexplicable besoin de le faire presque toutes les heures. Posant ses mains contre le bureau, il chercha un nouveau dossier du regard sans le trouver.


« Cette incartade n’est pas la seule raison de ta présence. Où est donc ce fichu dossier ? s’énerva l’homme en retournant plusieurs piles de papier. Ah ! Voilà, tiens, lis le. »


Le dossier en question comportait plusieurs rapports sur la frontière avec le pays de l’Herbe et un effectif sommaire des troupes de Kusa, en somme une partie des informations détenues alors par Iwa concernant son proche voisin. Pendant que la kunoichi épluchait les pages, le vieil homme but le contenu de son verre. Il faisait si chaud dans ce bureau, il avait parfois du mal à le supporter.


« Je sais que tu as travaillé aux douanes par le passé. Dis moi ce que tu sais de Kusa, d’expérience j’entends, pas de mes rapports. »


Kana était loin d’être une iwajin lambda et peut-être aurait-elle des choses intéressantes à lui apprendre. Même si ce n’était pas le cas, il souhaitait connaitre son ressenti. Après tout, il était sur le point de l’envoyer réaliser la première mission de la campagne militaire à venir, mieux valait la jauger avant cela.
    

La description faite par la capitaine Miura était en adéquation avec ce que le Tsuchikage savait déjà. Le portrait qu’elle dressait de Kusa était particulièrement fidèle. La campagne à venir ne s’annonçait pas être une mince affaire. La chose était certes loin de le puissance ridiculement démesurée du village caché des feuilles mais il aurait été idiot d’y aller la fleur au fusil. Les kusajins se battraient pour leur indépendance, ils seraient retords et déterminés à ne pas se laisser envahir facilement. Bien des soldats perdraient la vie, c’était à prévoir. Le Tsuchikage hocha la tête alors qu’elle terminait de parler.


« Tu pointes en effet le doigt sur un élément important. La campagne à venir sera loin d’être une partie de plaisir. C’est bien ce qui m’inquiète. La dernière grande guerre remonte à bien des années à présent. Nombre de nos jeunes recrues manquent d’expérience, ils ignorent tout de la réalité d’un conflit. Leur volonté de vaincre est admirable, mais ils n’ont pour la plupart pas encore effectué leur baptême du feu. Nous ne pouvons pas nous permettre de lancer une vaine et stupide offensive irréfléchie. »


La disparition du Yondaime Hokage était une magnifique occasion d’agir pour Iwa. Ônoki et ses conseillers savaient pertinemment que la prise de Kusa permettrait de rapprocher dangereusement les soldats de la Pierre des terres du Feu. Le pari était quelque peu risqué mais il pouvait rapporter gros. Cela ne voulait pas dire pour autant que le vieil homme sous-estimait son adversaire. À dire vrai, il orchestrait déjà en secret avec quelques nukenins dans le but d’aider ses troupes une fois l’assaut lancé. Une attaque venue de l’intérieure serait à n’en pas douter dévastatrice.


« Ta connaissance des frontières n’est plus à prouver, aussi je souhaite que tu prennes la tête de la seizième compagnie de reconnaissance. Ton but sera de dresser un portrait détaillé des abords du pays de l’Herbe. Fais tracer des cartes, recense les avants postes et les tours de garde. Si tu trouves des failles, détailles les, récolte un effectif des gardes-frontière le plus proche possible de la réalité. Il est primordial que nous n’avancions pas en terrain inconnu, nous devons savoir ce qui nous attend. Nos jeunes soldats ont besoin de plusieurs victoires pour se persuader de notre succès à venir. Si nous venions à essuyez des revers en pénétrant au pays de l’Herbe, les conséquences seraient effroyables. As-tu des questions ? »


Soudain très fatigué sans qu’il ne sache pourquoi, le vieil homme se reposa contre le dossier de son fauteuil inconfortable malgré les cousins sur lesquels il était assis.
    

Toujours pareillement installé, l’ombre de la Terre jette un regard intéressé à la kunoichi lorsqu’elle décide de lui répondre. Sa question est pertinente et il est content qu’elle la lui pose. Sans se dégager de sa position, il fronce les sourcils. Le rouleau de mission qu’elle recevra en quittant le bureau lui répondre tout aussi bien, mais il décide malgré tout de prendre les devants.


« La discrétion est capitale. Nous ne voulons pas que l’ennemi s’attende à notre venue. Nous avons l’effet de surprise et le garder est absolument primordial. Ceci étant, nous sommes tous les deux shinobis et savons par conséquent que tout ne se déroule pas selon le plan. Par conséquent, si vous veniez à être repérés, j’exige que vous capturiez les kusajins qui se mettraient sur votre chemin. Vous ne pourrez pas vous permettre de laisser des corps derrière vous. Quoiqu’il en soit, si la mission est un échec, vous devrez rapidement me rendre compte pour que nous puissions rapidement faire avancer nos forces et que le pays de l’Herbe n’ait nullement le temps de réagir. Je compte malgré tout sur votre plus grande discrétion, l’échec sera sévèrement sanctionné. »


Nul besoin d’en rajouter plus. La femme sait pertinemment à qui elle a à faire et le menacer n’aurait aucun sens. En tant que jônin iwajin, elle sait à quoi elle s’expose. Se redressant légèrement, Ônoki jette un regard furtif au portait de son épouse défunte qui trône sur son bureau en bois. Un bref éclat de tristesse lui traverse le visage, sans qu’il ne perdre pour autant sa contenance.


« Plus de vagues à l’avenir d’accord ? Je serai moins clément la prochaine fois... »


D’un geste de la main, il l’invite ensuite à prendre congé. La dame sait ce qu’elle doit faire à présent et elle sait également que son comportement ne sera pas sans conséquences à l’avenir. D’une pierre deux coups. Passablement fatigué, l’ombre de la Terre pose les avants-bras sur le meuble qui lui fait face. Une armée de feuilles de papier lui fait face. tel est le combat qu’il doit mener: vaincre la bureaucratie.