Dans les rues de Suna, l’ombre de la Terre grelottait. Le jour, la chaleur de ce pays était étouffante et il avait bien du mal à réfléchir, et le soir il y faisait si froid qu’il était dorénavant obligé de mettre de quoi se réchauffer. Un tel climat était on ne pouvait plus détestable et en aucun cas fait pour un homme de son âge. Il avait besoin de quelque chose de plus tempéré, et surtout de régulier que diable ! Comment les sunajins pouvaient vivre dans de pareilles conditions toute l’année durant ? Il n’arrivait pas à s’imaginer devoir rester ici beaucoup plus longtemps. Par chance, il n’en aurait pas le déplaisir. Le conseil des Kages touchait à sa fin. Une fois que le soleil se lèverait, il reprendrait la route pour Iwa. Toutefois, avant cela, une importante tâche requérait son attention.


Escorté par Akatsuchi et sa petite fille Kurotsuchi, Ônoki se rendait au lieu du rendez-vous qui avait été convenu avec son homologue. Il s’entretiendrait d’ici peu avec le Yondaime Mizukage. Déjà d’un âge certain, son confrère qui était lui aussi de petite taille, avait connu la troisième grande guerre. Tout comme la Balance, il s’était brisé les dents contre l’armée konohajin. À l’instar d’Iwa, il était ressorti comme l’un des grands perdants. Leur haine mutuelle de la feuille était la seule chose en mesure de les rapprocher. En effet, il ne fallait pas se leurrer, en dehors de cela, ils n’avaient pas grand chose en commun et leurs buts à long terme divergeaient allègrement. Cela ne l’empêchait pas de voir les bénéfices de leur rencontre à venir. Déjà depuis quelques temps, ils conversaient secrètement par missives. Ce soir, ils sauraient l’un et l’autre si tout cela allait mener quelque part.


Arrivé à l’établissement qui leur avait été réservé, Ônoki se posa confortablement sur l’un des sièges. En attendant que Yagura ne fasse son apparition, il commanda une tasse de thé noir à la bergamote. À peine posait-il les lèvres sur la tasse que son homologue arriva. Comme le cadet saluait son ainé avec respect, il le lui rendit volontiers. Posant son thé, le vieil homme se redressa face à la table de jeux qui les séparerait. Sans se lever, il avisa d’un oeil la bouteille.


« Bonsoir. C’est une délicate attention mon garçon, malheureusement pour les gens de mon âge, l’alcool est un poison bien plus insidieux qu’il ne peut l’être pour les jeunes pousses. Partagez cependant une tasse de ce délicieux thé, il vous réchauffera. »


Sans attendre le consentement de son interlocuteur, Ônoki s’empara d’une tasse qu’il remplit généreusement avant de la pousser sur la table, vers Yagura. Tournant légèrement la tête, il désigna son garde Akatsuchi. Ce dernier s’avança et tendit un rouleau scellé à son dirigeant. Il portait le nom de Tanaka Kinjiro.


« Comme vous pouvez le voir, j’ai moi aussi apporté un présent d’Iwa. Il a été porté à mon attention que cet homme vous avait trahi et que la traque de vos talentueux oi-nin s’était avérée infructueuse. Quelle erreur de nous avoir offert ses services, n’est-il pas ? Voyez la un gage de notre bonne volonté. »


Mort depuis déjà quelques semaines, le corps du nukenin gisait à présent dans ce parchemin. Il aurait pu être d’une grande utilité pour le pays de la Terre mais Ônoki avait considéré que le geste serait suffisamment éloquent pour que son confrère se rende compte du sérieux de la conversation à venir. Tout cela n’était au final qu’un petit prix à payer, simplement à mettre au compte des pertes et profits du village.
    

La remarque de Yagura prit légèrement son homologue de court. Que voulait-il dire exactement ? Démolir ses propres hommes face à un ancien ennemi ne semblait pas très judicieux. À bien y penser, les rumeurs étaient certainement fondées. L’on disait du kirijin qu’il menait son pays d’une main de fer. Les purges y seraient régulières et pour le moins injustes. Avait-il réellement des réserves quant à la qualité de ses chasseurs de déserteurs ? Il n’y avait pourtant pas de raison à cela. L’élite du pays de l’Eau faisait véritablement office de modèle à suivre en la matière, Ônoki était bien forcé de le reconnaitre. Pourquoi Yagura n’en faisait pas autant ? Troublant.


« Je suis assez d’accord avec vous. Jouons cartes sur table. Le Conseil est passé et avec lui le temps des palabres vaines et chronophages. Nous n’avons finalement que peu de temps, mettons le à profit. Et en ce qui concerne votre présent, je me satisferai de l’intention. »


Avec une grimace difficilement perceptible, le vieil homme se redressa en prenant sa tasse à deux mains. Ce n’était pas le moment pour que son dos se mette à faire des siennes. Tâchant au mieux de faire mine de rien, il but une nouvelle gorgée, se réchauffant quelque peu par la même occasion. Derrière le Tsuchikage, sa petite-fille qui le connaissait bien reconnaissait sa douleur et tentait de cacher son amusement face à sa fierté mal placée. L’était-elle pourtant véritablement ? Mieux valait ne pas passer pour un vieil impotent lors d’une telle conversation.


« La disparition du Hokage ne peut en aucun cas être ignorée. Pour être précis, je dirais même qu’elle précipite les projets dont vous et moi avions préalablement discuté. Le temps n’est plus à la parole, les actes doivent lui succéder. Notre chance est immense et il serait bien sot de la laisser nous filer entre les doigts. »


Il n’était plus l’heure de planter une graine. Cela était fait depuis bien longtemps déjà. Elle avait largement eu le temps de grandir et devenir une belle fleur. Il ne restait aujourd’hui plus qu’à la cueillir.